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© Mairie d’Ivry-sur-Seine - David Merle

C’est un grand « Non à la réforme de Macron » qui a rassemblé mardi 31 janvier à 12h30 plus de 450 Ivryens sur l’esplanade Georges Marrane. Syndicat et agents communaux ont applaudi l’aide apportée par le maire Philippe Bouyssou et l’exécutif municipal en fermant les services publics communaux dès midi ce jour-là. Une fermeture qui a permis aux agents de se mobiliser en nombre.

Deux assemblées générales (AG) s’étaient déroulées dans la matinée. La première avec les agents territoriaux, suivie d’une AG interprofessionnelle qui a réuni des salariés de Carrefour Quai d’Ivry, de Monoprix Saint-Mandé, de Ciblex, des territoriaux d’Ivry, des enseignants, des agents de la Ratp, du personnel de l’hôpital Charles Foix…

Le midi, les prises de parole se sont succédé devant une foule dense rassemblée au pied de la mairie.« Elisabeth Borne, la première ministre, a annoncé que l’âge légal de 64 ans est non négociable ! Alors il va falloir monter d’un cran notre niveau de contestation !», s’est exclamé Florian Carol, secrétaire général CGT des Territoriaux d’Ivry, invitant tout le monde à descendre dans la rue manifester autour d’un même combat : « Celui de défendre le droit à une retraite paisible, en bonne santé et avec des pensions descentes permettant à tous de vivre dignement ! […] Quand le peuple dit non, il faut que [Macron] l’entende ! »

« En France, en 2020, avec une hausse de 58%, les milliardaires français ont augmenté leurs profits de plus de 200 milliards d’euros, a déclaré Ali Algül, secrétaire de l’union locale CGT Ivry/Charenton/St-Maurice/Maisons-Alfort/Alforville, faisant ainsi allusion aux possibilités de financer le régime des retraites. En 2022, les grandes entreprises du CAC 40 ont distribué 80 milliards de dividendes. Il suffirait de les taxer à 2% pour financer la retraite. L’argent existe, il est là. »

Très forte mobilisation

« Nous ne sommes pas seulement solidaires, nous sommes pleinement engagés, a précisé le maire Philippe Bouyssou après avoir remercié les agents communaux d’être au rendez-vous. Nous sommes tous concernés et avons tous un intérêt individuel et collectif à ce que cette réforme capote. Nous sommes face à un déni de démocratie. Nous n’avons pas donné un mandat au président de la République pour faire cette réforme. Beaucoup d’entre nous ont voté pour lui contre Marine Le Pen et ça ne lui donne pas mandat pour qu’il mette en place sa réforme libérale et sa politique capitaliste. […] Cette lutte est totalement légitime et réaliste. Toutes les conditions sont réunies pour gagner et nous allons gagner ! »

Vers 13h, c’est un long cortège très métissé qui s’est élancé à pied - aussi joyeusement que paisiblement - depuis la mairie d’Ivry jusqu’à la place d’Italie à Paris pour rallier le point de départ de la manifestation intersyndicale contre la réforme des retraites. Des étudiants, des retraités, des salariés du privé, des fonctionnaires de l’Éducation nationale, de l’hôpital public, de la ville d’Ivry, de la Ratp, les élus de la majorité municipale... Des Ivryennes et des Ivryens tous unis par une même opposition déterminée au projet de réforme des retraites.

Sylvie Moisy

Prochains rendez-vous de lutte
- Mardi 7 et mercredi 11 février : appel national de l’intersyndicale à de nouvelles grèves et manifestations sur Paris.
- Mardi 7 février : assemblée générale interprofessionnelle, à 10h, salle Saint-Just (30 rue Saint-Just), organisée par la CGT Ivry/Charenton/St-Maurice/Maisons-Alfort/Alfortville, la FSU Val-de-Marne et l’Union syndicale Solidaires 94 .
- Mercredi 8 février : marche aux flambeaux à Ivry, départ à 18h30 devant l’hôtel de ville, à l’initiative de la CGT Ivry/Charenton/St-Maurice/Maisons-Alfort/Alfortville, la FSU Val-de-Marne et l’Union syndicale Solidaires 94. 

Témoignages d’Ivryens croisés sur le cortège

« Cette réforme de la retraite, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ! »

Johanna, 34 ans, professeur d’arts plastiques au collège Politzer
« Nous sommes venus à une dizaine d’enseignants. D’autres collègues du collège Romain  Rolland vont nous rejoindre un peu plus tard. Nous sommes là pour manifester notre opposition à cette réforme, mais aussi parce que nous avons beaucoup de griefs .Nos conditions de travail ne sont plus tenables. Il y a de plus en plus d’élèves dans les classes et en même temps, de moins en moins de moyens. Cette réforme de la retraite, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ! Sachant que le point d’indice est bloqué ! À chaque fois, on se fait avoir un peu plus ! »

« Je marche aujourd’hui pour toutes les femmes »
Livia Pouponnot, 56 ans, présidente de l’association Femmes solidaires d’Ivry
« Les femmes seront les grandes perdantes de cette réforme, comme toutes les réformes de retraite auparavant. Car avant tout, les femmes ont des salaires toujours inférieurs à ceux des hommes. Elles ont des carrières hachées par la maternité, les emplois précaires, le temps partiel, l’intérim. Du coup, elles n’ont souvent pas les trimestres quand il faut ! Contrairement aux hommes… Alors même que le travail des femmes est très souvent non visible : l’éducation des enfants, les tâches à la maison, etc. Rien de tout cela n’est pris en compte ! Je marche aujourd’hui, non pas pour moi, mais pour toutes les femmes. »

« Défendre la retraite de mes enfants et de mes petits-enfants à venir »
Patrick Bernier, 63 ans, retraité depuis un an, ex-agent territorial à la ville de Paris.
« Je suis parti à la retraite à 62 ans. Je n’ai pas fait grève pendant exactement 365 jours dans ma carrière pour partir plus tard ! Je participe à cette manifestation pour défendre la retraite de mes enfants - âgés de 28 ans et 33 ans - et celle de mes petits-enfants à venir. Afin tous aient le droit de respirer, qu’ils ne pensent pas qu’au travail. Ils ont commencé de 60 ans à décaler à 62 ans, puis 64 ans. Cela se prolonge ! Il ne s’agit pas seulement de pouvoir arrêter de travailler, mais d’être en bonne forme pour en profiter ! Voilà pourquoi je marche. Je suis syndiqué.»

« Il serait temps que le gouvernement écoute le peuple ! »
Franck, 44 ans, formateur chez Enedis.
« Marcher, c’est bon pour la santé ! Mais surtout contre la réforme des retraites. Je suis non syndiqué, et j’ai une carrière longue. J’ai commencé à travailler à 16 ans. Malgré tout, avec cette réforme, je partirais à plus de 60 ans et moins de 64 ans ! Il faut arrêter l’hémorragie. Car d’autres réformes viendront encore ensuite. Il serait temps que le gouvernement écoute le peuple ! »

« À cet âge, on ne sait pas dans quel était on sera…
Holga, 47 ans, et Martin, 42 ans, conseillers clientèle chez Bluelink (filiale d’Air France qui a quitté Ivry), tous deux syndiqués Solidaires Sud aérien.
Holga :« Nous sommes là pour dénoncer cette réforme abusive et précaire qui ferait que je partirais à 67 ans. A cet âge, on ne sait pas dans quel était on sera… Pas seulement physiquement mais mentalement aussi. Car nous occupons des postes à horaires décalés, avec des risques psychosociaux importants. »
Martin : « Avec cette réforme, je serai à la retraite à 65 ans ! Elle n’a pas de légitimité démographique. Et Macron n’a pas de mandat pour faire cette réforme. Au sein de notre entreprise, nous constatons plus de mobilisation qu’avant, car cette réforme n’est pas justifiée ! »

« La pénibilité de notre travail n’est pas prise en compte. »
Jacky Maillet, 62 ans, aide-soignant et secrétaire général CGT hôpital Charles Foix, retraité dans quelques semaines.
« J’aurais dû partir plus tôt, à 60 ans ! Mais avec l’allongement des derniers paliers de progression de carrière des fonctionnaires qui sont passés de quatre à six ans… Je pars à 62 ans. Actuellement, même avec une santé dégradée, on est déjà obligé de continuer à travailler pour avoir une retraite à taux plein. Et ce que le gouvernement propose est encore pire ! Je suis de 1960 mais beaucoup de mes collègues sont nés entre 1962 et 1965. Et 15% des aides-soignants et infirmiers à l’hôpital Charles Foix sont en situation de handicap ou sur des postes avec des restrictions. Alors que quand on doit manipuler un patient, il faut souvent être deux.... La pénibilité de notre travail n’est pas prise en compte. On part souvent avec des retraites de misère et cassés. »

« La retraite est un véritable temps dans une vie »
Elise, 23 ans, étudiante en urbanisme-géographie sociale à l’université Paris-Sorbonne.
« Je suis partie à pied avec le cortège d’Ivry et je vais rejoindre des amis place d’Italie. Je manifeste car nous ne sommes même pas encore lancés dans le monde du travail qu’on a l’impression qu’on n’en verra pas la fin ! Alors que la retraite est un véritable temps dans une vie. Je me bats pour pour que l’on puisse profiter de la retraite en pleine forme. »

« Je marche pour tous ceux n’ont plus rien à perdre, pour les plus pauvres, les précaires. »
Corinne Siergé, porte-parole de l’Association pour l’emploi, l’information et la solidarité des chômeurs et des précaires (Apeis), dont le comité national est basé à Ivry.
« Aujourd’hui, je marche pour l’Apeis et tout le monde ! Pour tous ceux qui n’ont plus rien à perdre, pour les plus pauvres, les plus précaires. Ceux qui ont des carrières éparses, faites de petits boulots, de chômage, d’intérim… Pour ceux-là, cette réforme est une double peine. Car entre la réforme de la retraite et celle du chômage, c’est une véritable catastrophe ! Ils vont être obligés d’attendre jusqu’à 67 ans pour pouvoir partir à la retraite et pas à taux plein ! Je vois tous les jours à l’association des gens dans la précarité, au Rsa, donc sans cotisations et sans droits. Il faut tout mettre à plat. Deux ans de plus, c’est un véritable sacrifice ! Dans quel état y arriveront-ils ? »

Propos recueillis par Sylvie Moisy

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