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Anita Vallejo, face à sa petite-fille Alma Kerouani, accomplit un précieux devoir de mémoire. © I comme image

« J’ai vécu plus de temps ici que dans mon pays. Je suis dépaysée mais bien enracinée… Et je suis heureuse des racines qui poussent et que je fais pousser. »C’est par avec ces mots qu’Anita Vallejo, 74 ans, exilée politique chilienne, comédienne, musicienne et compositrice, se confie à sa petite-fille, la chanteuse Alma Kerouani, 26 ans. Sur scène, la cofondatrice du Théâtre Aleph et du Théâtre El Duende se souvient.

Elle a 20 ans lors de l’élection présidentielle d’Allende en 1970… Elle en a 23, le 11 septembre 1973 lors du coup d’État militaire du dictateur Pinochet. Un an plus tard, Oscar Castro, le père de ses enfants - Sebastian, 2 ans, et Andrea qui naîtra quelques mois plus tard - est arrêté. Le comédien, auteur et cofondateur du théâtre Aleph, est déporté pendant deux ans. À sa libération, en 1976, la famille est contrainte à l’exil forcé en France.

Œuvre testimoniale

Aujourd’hui, dans D'autres jours viendront, dernière création de la compagnie El Duende, Anita Vallejo transmet son témoignage. Le texte a été écrit par sa fille, Andrea Castro, 48 ans, comédienne de la troupe. « Souvent ma mère me parlait de petites choses, explique-t-elle. Depuis longtemps, je lui disais que ce serait bien de raconter cette histoire... » Les années ont passé jusqu’en juillet dernier, où son vœu a été exaucé. « Il a fallu attendre que ce soit moins douloureux, explique Anita Vallejo. C’était un pas à faire, un grand pas. »

Pour sa mise en écriture, Andrea Castro a aussi pu piocher dans le journal intime de sa grand-mère maternelle, ainsi que dans le livre Archéologie d’un rêve, théâtre Aleph 1966-1976, de Luis Pradenas, archéologue et musicien du Duende.

Sur scène, la grand-mère, assise au piano, se livre à un émouvant tête-à-tête avec sa petite-fille. Un quasi huis-clos illustré par des reconstitutions de scènes par les comédiens du Duende, par des photos, des vidéos et des sons d’archives, et par des chants et des musiciens en live. Il y a du rire et des larmes, beaucoup d’émotion et de dignité, et énormément de force et d’élégance.

Entre documentaire théâtral et spectacle musical, au-delà de l’histoire personnelle et artistique d’une famille, D'autres jours viendront a une portée universelle. « On ne pardonne pas des choses comme cela et on ne les oublie pas non plus, témoigne Anita Vallejo. C’est toujours là, et cela le restera toujours. »
Sylvie Moisy

Du 14 mars au 6 avril, D’autres jours viendront, de la compagnie El Duende au Théâtre El Duende : 53 rue Hoche. Plus d’infos 
Réservation : 01 46 71 52 29 ou par Internet 

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