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Ugo Gattoni dans son atelier ivryen. © Mairie d’Ivry-sur-Seine – Julie Subiry

47 disciplines sportives, 40 000 personnages, une foule de bâtiments, 2000 heures de travail… Ces chiffres de tous les records (sportifs) soulignent la minutie des détails qui font tout le sel de la fresque que composent les affiches des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. À les lire, on songe à la couverture d’Astérix et Cléopâtre (eh non, pas à Astérix aux Jeux olympiques !), où Uderzo et Goscinny pastichaient les promos des péplums qui glorifiaient les moyens pharaoniques mis à l’œuvre dans ces productions herculéennes. « La plus grande aventure qui ait jamais été dessinée », plastronnaient, le sourire en coin, les pères du petit Gaulois de papier. Quelle grande aventure dessinée aussi pour Ugo Gattoni, l’auteur de l’affiche des Jeux !

L’Ivryen de 35 ans n’est pourtant guère du genre à bomber le torse pour faire valoir ses efforts et son talent. « Au sortir des cinq mois de travail nécessaires, j’étais une croûte d’eczéma géant !, plaisante-t-il dans son lumineux studio attenant à son appartement. C’est vertigineux de penser que ce sera sans doute le dessin le plus vu au monde dans cette période ! » La patte de ce partisan du fait-main (aucune duplication numérique ou trace d’intelligence artificielle ici) a séduit le comité d’organisation des Jeux de Paris 2024, à l’origine de la commande.

Ugo Gattoni s’était déjà illustré dans les années 2010 via des fresques luxuriantes vite remarquées par des marques de luxe. Il dessine plusieurs des célèbres carrés Hermès, travaille pour Rolex, Cartier, Ruinart… « Le fait-main, c’est hyper important pour des maisons comme Hermès qui promeuvent le savoir-faire français. D’ailleurs, je précise que je suis moi-même bien français », glisse le dessinateur au patronyme italien et peu cocardier. Une référence à la polémique suscitée par son affiche auprès de franges de la droite et de l’extrême droite criant à « l’anti-France » et au « wokisme » en ne retrouvant pas la croix chrétienne dans la représentation du dôme des Invalides ou se plaignant du manque de drapeaux bleu-blanc-rouge.

Nombre d’or

C’est que la proposition artistique d’Ugo Gattoni rompt avec les 32 éditions précédentes des affiches des Jeux, constituées d’un logo et du nom de la ville hôte. Ici, on peut laisser son œil se promener dans cet immense paysage très peuplé, jouer à y chercher les disciplines sportives, les monuments parisiens ou les Phryges, mascottes des Jeux 2024… Pour ludique qu’elle soit, l’œuvre emprunte à la statuaire grecque et au style art déco. « J’ai même basé ma composition sur le nombre d’or*, ce qui est un peu un fantasme d’artiste », indique le dessinateur. Les couleurs pimpantes évoquent pour certains Miyazaki, d’autres voient l’influence de Moebius dans le trait stylisé, ou encore Où est Charlie ? un géant… Des commentateurs affilient l’œuvre au « wimmelbilder », un genre iconographique qu’on retrouve dans les scènes de foule de Brueghel ou de Jérôme Bosch. « Franchement, à part le goût du détail, je ne vois pas… », tempère le diplômé de l’Epsaa.

C’est sa mère qui l’avait inscrit à cette école d’art graphique située à Ivry. « J’étais à fond dans la natation, mais j’étais loin d’être sûr d’avoir le bac, alors ma mère a constitué mon dossier pour cette école accessible sans le bac, allant même jusqu’à découper les dessins griffonnés durant mes cours de maths… » On mesure le chemin parcouru depuis. Mais Ugo Gattoni ne s’endort pas sur ses lauriers. Entre les commandes prestigieuses, il s’emploie à créer l’œuvre protéiforme Nébula « le travail d’une vie » : tout un monde imaginaire avec une faune, une flore, une architecture propres… Foisonnant, cela va sans dire.

Thomas Portier

* Règle académique régissant l’harmonie d’une composition.

Mini BIO

12 octobre 1988 :
naissance à Vitry.
2010 : diplômé de l’Epsaa (École supérieure d'arts graphiques située à Ivry).
2011 : Ultra Copains (éd. Copains), frise de 10 m sur 1,2 m.
2012 : emménagement à Londres et publication de Bicycle (éd. Nobrow Press), livre dépliable d’une frise de 5 m réalisée à l’occasion des Jeux olympiques de Londres.
2015 : premier carré Hermès.
2017-2019 : séjour au Mexique et travail collectif sur Nébula.
2019 : emménage à Ivry et réalise une installation pour les champagnes Ruinart.
2023 : travaille avec le rappeur états-unien Kid Cudi et sa ligne de vêtements MOTR.
2024 : réalise les affiches des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.

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