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Six Ivryennes incarnent six combats pour l’égalité à travers ces photographies visibles dans la Ville. Haylana, lycéenne ; Francette, enseignante d’EPS retraitée et bénévole associative ; Aby, militante à Femmes Solidaires ; Elvire, journaliste et réalisatrice, militante féministe ; Sarah, responsable de l’Espace municipal Gérard Philipe et Sabrina, assistante à la direction municipale des affaires culturelles. © Gilles Cohen

« Quand j’ai voulu prendre la pilule, à 17 ans, je suis allée voir une gynécologue au hasard, se rappelle Laure, 25 ans. Elle était sympa mais elle m’a examinée avec un spéculum. Je ne m’y attendais pas ! Après, j'ai préféré les médecins du Planning* qui ne font pas systématiquement ce geste !» À la différence du corps des hommes, celui des femmes est largement médicalisé, de la puberté à la ménopause, en passant bien sûr par la grossesse et l'accouchement. Comme s'il était défaillant, prêt à dysfonctionner, il est scruté, ausculté de près, parfois sans explications données à la patiente, ni consentement de celle-ci lors d’examens intrusifs qui peuvent s'avérer traumatisants.

« Au moindre doute ou symptôme, on incite les femmes à s’en remettre au corps médical mais elles ne sont pas toujours écoutées par les médecins, explique Mounia El Kotni, anthropologue de la santé des femmes et des discriminations liées au genre. Lors de la consultation, c'est la blouse blanche qui a le savoir et le pouvoir ! Les femmes sont, elles, inaudibles. » Il en résulte parfois des retards, voire des « errances » de diagnostic, par exemple pour l'endométriose, affection chronique qui se manifeste par des douleurs aiguës de règles. Selon une étude de l’association EndoFrance, il s'écoule en moyenne sept ans entre la première consultation et le diagnostic de la maladie.

Endométriose

Il arrive même qu'on rappelle à la patiente qu'il est normal de souffrir durant son cycle ! « Nous n’avons toujours pas de traitement de l’endométriose : il n’y a pas de priorité de recherche sur les sujets qui concernent les femmes,déplore l’anthropologue. L'institution médicale est au service du patriarcat qui se traduit par un sexisme médical, en particulier en gynécologie et en obstétrique. »

Selon Mounia El Kotni et Maëlle Sigonneau, co-autrices de l’ouvrage Impatiente**, le patriarcat peut se lire dans les injonctions à la féminité adressées aux personnes atteintes du cancer du sein. « Des soins esthétiques et des perruques sont souvent proposés durant la chimiothérapie, précise Mounia El Kotni. Cela correspond parfois à une demande de la patiente mais cela peut aussi être vécu comme une charge mentale supplémentaire ! »

Comment remédier au manque d’écoute des femmes, au peu de crédit accordé à leur parole ? Au-delà du sexisme, les progrès de la médecine - la médicalisation de l’accouchement -ont eu comme contrepartie un arrêt de la transmission des savoirs sur le corps. « Quand la naissance se déroulait à la maison, c’était un grand moment de partage d’expériences entre femmes, tout comme les discussions au lavoir ! Aujourd’hui, il faut des soins de qualité, la bienveillance médicale prônée par le docteur Martin Winckler et que les femmes se réapproprient des connaissances », conclut l’anthropologue.

Cette dernière a d’ailleurs participé à la récente réactualisation du manuel de santé, conçu par des féministes américaines en 1971 : Notre corps, nous-mêmes***. Aujourd’hui, des livres, des forums, des blogs, des comptes sur les réseaux sociaux réinventent ces précieuses transmissions. Car notre corps est à nous !

Catherine Mercadier

*Planning familial, Centre municipal de santé, 64 av. G. Gosnat. 01 80 51 86 00.
**Impatiente, éditions First 2021.
***Notre corps, nous-mêmes, éditions Hors d’atteinte 2020.

Au programme du 8 mars et après…
8 mars
À travers six photographies visibles dans la ville, six Ivryennes incarnent six combats pour l’égalité : circuler librement dans l’espace public, disposer de son corps sans entrave, atteindre l’égalité professionnelle, s’émanciper par le sport, se vêtir à sa guise, être solidaires des femmes ici et ailleurs.
8 mars à 14h
Dévoilement d’une plaque en hommage à Nathalie Duval-Le Mel (1826-1921), féministe et figure de la Commune de Paris. Au cimetière Monmousseau (entrée par la rue Marcel Hartmann) où elle repose.
8 mars à 19h30
Spectacle-débat : Être(s) XX sur le genre proposé par le collectif Fractale à la Maison municipale de quartier du Petit-Ivry (44 rue Jean Le Galleu). Réservations : 01 72 04 66 06.
11 mars à 19h
Qu’est-ce que l’écoféminisme où comment l’oppression des femmes et la destruction de la nature sont indissociables d’un modèle de civilisation. Rencontre avec la philosophe et professeure de yoga Jeanne Burgat Goutal à la médiathèque (152 avenue Danielle Casanova).
12 mars de 14h à 16h
Rencontre avec l’historienne Mathilde Larrère sur trois siècles de luttes féministes, n’oubliant ni les ouvrières, ni les colonisées, ni les lesbiennes. À la Maison des femmes (2 jardin de l’Insurrection) à l’initiative du comité Femmes solidaires d’Ivry.
Programme complet

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