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© Légende (photo David Merle) : La députée de 33 ans (ici à Ivry en fête) est présidente du groupe parlementaire La France Insoumise au sein de l’intergroupe de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes). Au second plan, sa suppléante Farida Chikh.

IMV Hebdo : Comment appréhendez-vous votre réélection? Quels sont les enjeux importants maintenant ?

Mathilde Panot : Je suis honorée d'avoir été réélue pour porter la voix des Ivryens et des Ivryennes et plus globalement de toutes celles et ceux qui habitent dans la 10ᵉ circonscription du Val-de-Marne*. Et ce n'est pas rien d'avoir ici, à chaque fois, dans toutes les élections, depuis maintenant des dizaines, voire des centaines d'années, des lieux de résistance à une forme d'autoritarisme, à un système de malheur qui se perpétuerait tout le temps et où les gens vivraient toujours plus mal.
Sur l'enjeu de l'élection en général, ce qui est historique c’est qu'un président qui vient tout juste d'être réélu ait subi une défaite extrêmement forte lors des élections législatives. La majorité des Français a voté contre son projet. Sans majorité absolue, le président de la République est empêché de continuer son projet de maltraitancesociale et écologique. On a prouvé dans les faits que la majorité sociale ne voulait pas de la retraite à 65 ans, du RSA contre travail gratuit, de continuer la destruction des services publics comme l'hôpital, la santé, etc.
 

IMV Hebdo : Quel est votre sentiment sur le visage de la nouvelle Assemblée ?

Mathilde Panot : Nous sommes dans une situation nouvelle. La République en marche n’ayant plus la majorité absolue, on va pouvoir faire passer des choses, puisque les conférences des présidents de groupe fixent l’ordre du jour, les textes qui passent à l’Assemblée nationale. Malheureusement le Rassemblement national (RN) obtient non seulement un groupe parlementaire, mais en plus un groupe de 89 députés. Pour le coup, là aussi, la macronie a une responsabilité historique puisque ce sont eux qui ont constamment pendant toute la campagne, mis dos à dos la Nouvelle union populaire et le Rassemblement national.
Dans le Val-de-Marne, il y a quand même eu des choses extraordinaires avec l'ancienne ministre des Sports qui appelle à faire un barrage républicain à Rachel Kéké qui est la première femme de ménage qui rentre comme députée à l'Assemblée nationale (ce qui pour nous est une fierté immense). La Nupes a eu 62 duels contre le Rassemblement national lors des législatives. Dans 55 duels, la République en marche n’a pas pris position, même pas la position « pas une voix pour le Rassemblement national »... Ils ont contribué à faire qu'il y ait un groupe de députés RN aussi important.

Quant aux députés Les Républicains, ils ont dit qu’ils ne voulaient pas faire de gouvernement avec La République en marche. On verra ce que ça donne...
 

IMV Hebdo : Vous avez été réélue président du groupe parlementaire La France insoumise. Comment appréhendez-vous cette mission ?

Mathilde Panot : J'étais déjà effectivement présidente du groupe parlementaire de La France insoumise lors de la précédente mandature, mais dans des conditions très différentes puisqu'on nous étions 17 députés. Maintenant, dans notre groupe, nous sommes 74, 75 députés (on attend de voir par rapport aux ultramarins). Nous multiplions notre groupe par quatre. C'est évidemment très différent. En tout cas, moi, j'appréhende ma mission de présidente de groupe de façon très militante : continuer à savoir pour qui et pour quoi, on se bat. Je suis fière qu’il y ait dans ce groupe Rachel Kéké, femme de ménage, Mathilde Hignet, première ouvrière agricole qui arrive à l'Assemblée nationale, des syndicalistes, un ouvrier de l'aéronautique… Des profils très différents. Et des gens jeunes. Ils vont inventer d'autres manières d'être député. Nous continuerons à être les premiers opposants à Emmanuel Macron, tout en faisant toujours ce lien entre ce qui se passe dans l'hémicycle et ce qui se passe à l'extérieur : un pied dedans, un pied dehors. Nous sommes prêts à être un groupe de combat et nous avons hâte de commencer.
 

IMV Hebdo : Comment allez-vous articuler votre ancrage local et le fait d'être une députée nationale ?

Mathilde Panot : J'essaie de couper mes semaines en deux, d'avoir le temps en hémicycle, évidemment, pour faire ce pour quoi j'ai été élue et puis aussi d'avoir du temps en circonscription. Mes permanences du lundi continuent. C’est très important pour moi.

Je continue de participer à des événements collectifs où je rencontre plein de monde comme Ivry en fête ou avec le monde associatif par exemple… Et puis de manière un peu plus invisible, il me tient à cœur de continuer les rencontres individuelles pour aider les personnes qui viennent nous voir et qui sont dans des situations de pauvreté absolue. 10 millions de personnes sont sous le seuil de pauvreté dans un pays aussi riche que le nôtre. Mais les gens, ce ne sont pas des chiffres ! L'augmentation de la pauvreté, la question du logement indigne, les problèmes de papiers, on en voit tous les jours et nous, on essaie aussi d'aider à notre mesure. C'est aussi ça la politique : reconnaître l'autre comme son semblable et, même si on n'a pas le pouvoir présidentiel, maintenant on peut faire en sorte d’améliorer la vie quotidienne des gens.

Récemment, des soignants nous ont fait visiter de nuit l’hôpital gériatrique Charles Foix. Ils nous ont raconté que cela leur arrivait d’avoir une soignante pour 87 résidents. Je ne sais pas si vous imaginez… Un de ces soignants m’a dit : « Moi, je deviens maltraitant à cause de ces moyens qu’on m’empêche d’avoir. Et moi, je n’ai pas choisi ce métier-là pour ça. ». Je pense aussi à ces professeurs du Kremlin-Bicêtre qui m’ont dit avoir refusé en octobre 2021 cinq enfants en situation d’urgence vitale parce qu’ils manquent de lits et de soignants aux urgences pédiatriques. C’est ce genre de monde dans lequel je n’ai pas envie de vivre. Je crois qu’une société se juge à la manière dont elle traite ses plus jeunes. Et on les voit faire la file devant les banques alimentaires. Mais une société se juge aussi sur la manière dont elle traite ses plus âgés. Je pense que ce que j’ai vu à Charles Foix, ça va me rester…
 

IMV Hebdo : Quelles propositions de loi allez-vous porter ?

Mathilde Panot : La première chose que j'ai proposé avec la Nupes, c'est une proposition de loi qui inscrive dans la Constitution le droit à l'avortement. Et puisque le premier texte que le gouvernement veut faire passer, c'est un projet de loi sur le pouvoir d'achat, nous allons faire notre propre proposition de loi sur la question de l'augmentation des salaires, de la garantie d'autonomie pour les jeunes à 1 063 €, du blocage des prix à la baisse, bref, de tout ce qu'on a porté pendant la campagne. Un autre des textes que j’aimerais bien faire passer, c’est la déconjugalisation de l’Allocation adulte handicapé (AAH) : le fait que ce soit individuel et pas lié à la situation du conjoint ou de la conjointe. Même les députés Les Républicains sont d’accord là-dessus. Il n’y a que La République en marche qui bloque sur cette question. On verra bien. Mais on va pouvoir instaurer des rapports de force. L’Assemblée comme chambre d’enregistrement, c’est fini !

Propos recueillis par Thomas Portier

* Ivry, Gentilly Est, Le Kremlin-Bicêtre et Vitry Nord.

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