
« Merci aux deux groupes d’opposition d’avoir joué le jeu de ce débat contradictoire. Je crois que nous sommes l’une des rares villes à achever la période du bilan de mandat par un débat de cette qualité », a salué le maire Philippe Bouyssou au terme des deux heures de prises de paroles qui se sont tenues au café de la mairie le 1er juillet. C’est sur la base des contributions des habitantes et habitants sur la plateforme Internet « Ivry & moi, mon avis, mes idées » qu’ont été posées les grandes lignes de la discussion (retransmise en direct sur les réseaux sociaux de la Ville).
Pour Philippe Hardouin du groupe d’opposition Ivry en Commun, « Il a manqué une projection de ce que serait une ville dans les années à venir via un schéma d’urbanisme,notamment par rapport au problème de changement climatique. »
« La ville à 84 000 habitants à l’horizon 2040, ce n’est pas un choix mais le résultat d’un équilibre et d’ores et déjà d’une maîtrise, a répondu le maire Philippe Bouyssou. Si on avait laissé faire les promoteurs immobiliers, Ivry serait devenue une ville-dortoir. »
Clément Pecqueux, adjoint au maire en charge de l’écologie urbaine, ajoute : « Sur l’action climatique, nous avons mis au cœur les citoyens d’Ivry via la Conférence climat et l’Assemblée citoyenne. Sur les mobilités, la nature en ville, la lutte contre les îlots de chaleur et l’adaptation au changement climatique, des plans d’actions stratégiques ont été mis en place pour les 10, 15, 30 prochaines années. Nous visons la neutralité carbone d’ici 2050. Le plan « Nature en ville » favorise aussi la biodiversité et l’amélioration du cadre de vie. Dans chaque quartier, de nouveaux aménagements d’espaces publics permettront aux Ivryennes et Ivryens d’accéder à des îlots de fraîcheur. »
Ivry Confluences
Sébastien Bouillaud pour le groupe d’opposition Ivry Autrement a déclaré : « L’orientation d’Ivry Confluences ne nous convient pas. Les tours sont trop hautes et l’architecture est brutale. Il y a un rééquilibrage à avoir sur ce projet dont l’équilibre financier est précaire [...] Avoir compté sur le tertiaire [bureaux et sièges sociaux] pour équilibrer le projet, c’est une erreur de base. »
Philippe Bouyssou lui a répondu : « J’ai bien dit qu’il nous fallait réorienter le tertiaire pour développer d’autres activités économiques. Nous ne nous entêtons pas sur la logique du tertiaire. Ce qui fait glisser le bilan d’Ivry Confluences, c’est le coût de la dépollution des sols qui a été multiplié par quatre entre ce que nous avions prévu à l’origine du projet et la réalité d’aujourd’hui. Là-dessus, nous ne sommes aidés par personne. Cette dépollution des sols vient du fait qu’Ivry a été un territoire servant et continue de l’être avec la présence de l’incinérateur de déchets. »
La question de l’incinérateur a également été soulevée par Philippe Hardouin du groupe d’opposition Ivry en Commun, en termes de risque éventuel pour la santé publique. « Le problème sanitaire qui préoccupe nombre d’Ivryennes et Ivryens est lié à deux choses, répond le maire. Un certain nombre de polluants ne font l’objet d’aucun contrôle aujourd’hui. Il faut que les règlementations européennes et françaises prennent en compte ces émissions de polluants et indiquent des valeurs limites au-delà desquelles il y aurait un risque sanitaire pour les populations L’autre aspect, c’est que sur ces sujets de santé, on ne prend en compte que l’état actuel des connaissances. Je demande que l’on aille plus loin. Il faut que l’état actuel des connaissances sur ces polluants soit amélioré, approfondi pour que l’on sache quels effets ils ont sur la santé des gens. »
En décembre prochain, la vieille usine actuelle laissera la place à un nouvel incinérateur plus moderne et moins polluant du fait d’une meilleure technologie et d’une division par deux des capacités d’incinération.
« La solution, c’est de réduire les déchets, affirme Sheerazed Boulkroun pour Ivry en Commun. Je salue la mise en place de bornes d’apport de biodéchets, qui permettent de réduire drastiquement ce qu’on met dans nos poubelles. Pour réduire les dépôts sauvages, la solution est la réouverture d’une déchèterie à côté de l’incinérateur, comme c’était le cas par le passé. » Une idée saluée par le maire.
Sarah Misslin, adjointe au maire en charge de la propreté de l’espace public, a rappelé qu’en 5 ans, « nous comptons 500 tonnes de dépôts sauvages en moins. Nous avons fait 483 rappels à la loi. Et nous avons dressé 250 amendes pour 60 000 €. »
La question de la sécurité publique a par ailleurs fait l’objet de nombreux échanges. Pour Philippe Hardouin : « Quand nous disons qu’il faut une police municipale, ce n’est pas parce qu’on a la preuve que ça va marcher mieux, mais parce qu’il nous faut essayer tous les moyens... en s’assurant que ce n’est pas en échange d’une réduction des forces policières du commissariat d’Ivry. Il n’y a que deux villes du Val-de-Marne qui n’ont pas de police municipale, et bientôt, il n’y en aura plus qu’une, Ivry. Je pense que c’est quelque chose qu’il faut expérimenter. Il faut plus de gens sur le terrain et coupler ça avec des réseaux de vidéosurveillance. »
Sarah Misslin, également en charge de la tranquillité publique et de la prévention de la délinquance, a démontré que la plupart des missions relevant des polices municipales sont déjà assurées (prévention et surveillance, circulation et stationnement, sécurité et salubrité publique...). Et ce, par les agents municipaux d’accueil et les 70 personnels qui sont quotidiennement sur le terrain (agents de surveillance de la voie publique et agents de la propreté, deux catégories assermentées, et médiateurs sociaux).
Logement et commerces
Le maire souhaite qu’Ivry « reste une ville populaire, solidaire et métissée. Pour cela, il n’y a pas d’autre recette que le logement social. La loi SRU impose 25 % de logements sociaux dans les constructions neuves. À Ivry nous sommes à 38 % ».
Abondant en ce sens, le premier adjoint Romain Marchand observe que « 70 % des Français sont éligibles au logement social. Plutôt que dire qu’il y a trop de logements sociaux, il faudrait encadrer les loyers dans le privé et avoir plus de financements pour le logement social. »
Sébastien Bouillaud, lui, estime qu’il faut davantage « de diversité de logements sociaux, comme des logements intermédiaires pour attirer la classe moyenne à Ivry. Il y a besoin d’un réel rééquilibrage. »
« L’opposition n’est pas unanime sur la question, rétorque Philippe Hardouin. Nous ne remettons pas en cause la politique ivryenne du logement. En revanche, nous avons trop souvent entendu les difficultés exprimées par les locataires. Un logement social doit être décent et ce n’est pas toujours le cas. » Philippe Bouyssou a rappelé que, lors du dernier conseil municipal, la Ville a affirmé son soutien au plan stratégique de patrimoine (PSP) adopté le 3 juin par le conseil d’administration de la Coop’Ivry Habitat, principal bailleur social de la commune. Il comprend deux plans quinquennaux successifs qui visent à réhabiliter 18 cités (3 288 logements) pour un coût total de 420 millions €.
Sur le sujet du commerce, Atef Rhouma, adjoint en charge de ce domaine, estime qu’Ivry « est une ville qui est riche, même s’il y a une redondance des fast foods... mais cela répond aussi à une demande. Il y a aussi des commerces qualitatifs place Gambetta ou place de l’Insurrection, laquelle a retrouvé une vie. Pour les futurs commerces qui s’installent, on a mis en place des comités de commercialisation, avec des cahiers des charges précis disant que nous ne voulons pas de certains commerces et que nous accompagnerons les autres. »
Sébastien Bouillaud rappelle que « nous avons proposé une vraie politique de préemption des locaux commerciaux. Le manque de diversité commerciale est lié au manque d’attractivité de la commune. » Il est rejoint sur cette réflexion au sujet de l’attractivité commerciale par l’autre groupe d’opposition, Ivry en Commun. « Je souhaite une maîtrise publique du commerce au travers d’une société d’économie mixte ou foncière, affirme le maire. Il faut que la puissance publique ait un impact sur les choix commerciaux de proximité. »
De manière plus générale, Sébastien Bouillaud souligne : « Nous nous abstenons sur le vote du budget mais avons toujours été à vos côtés contre la baisse des dotations de l’État aux collectivités. Mais il y a des politiques d’économie à mener pour gagner des marges de manœuvre, sur la solidarité internationale ou la communication municipale notamment. Avec le budget dont nous disposons, on peut faire autrement. Pas forcément mieux, mais autrement. »
Ouarda Kirouane, adjointe au maire en charge des finances, rappelle : « Nos choix politiques sont bien traduits dans notre budget. À Ivry, le 100 % service public, ce n’est pas un slogan : nous n’externalisons pas les services publics, comme cela se fait ailleurs. En outre, la taxe foncière n’a pas été augmentée depuis 8 ans. La solidarité du budget bénéficie à tout le monde. »
Les débats ont aussi porté sur la solidarité internationale, les bâtiments communaux, la santé, les mobilités... Autant de sujets et d’échanges à retrouver dans la captation vidéo.
Daniel Paris-Clavel & Thomas Portier