Ivry-Tindouf : journal de bord aux côtés des réfugiés sahraouis

D’Ivry à Tindouf ! Près de 3 500 km séparent notre commune du Val-de-Marne, située aux Portes de Paris, de la ville de Tindouf, située à l’extrême sud-ouest de l’Algérie, aux Portes du désert. C’est là que vivent près de 180 000 Sahraouis, réfugiés dans des campements depuis 1975, année où ils ont été chassés de leur territoire par le Maroc. Fin février, une délégation de citoyens et d’élus, journalistes et photographes est partie à leur rencontre, à l’invitation de l’Association des amis de la République arabe sahraouie démocratique. Sa présidente pour le Val-de-Marne est l’Ivryenne Claude Mangin-Asfari, infatigable défenseure des droits de l’homme et épouse de Naâma Asfari, militant sahraoui emprisonné au Maroc pour ses opinions politiques et citoyen d’honneur d’Ivry.

Le 26 février, le maire d’Ivry, Philippe Bouyssou, a signé un protocole d’amitié et de coopération avec la commune de Mijek située dans le campement d’Aoussert (un premier volet avait été signé à Ivry en décembre 2022). Journaliste au magazine Ivry ma ville, je suis Catherine Mercadier et j’ai eu la chance de participer à ce voyage d’amitié et de rencontres que je vais vous raconter au jour le jour, afin de partager avec vous, l’histoire méconnue de ces hommes, femmes et enfants du désert, issus de tribus nomades, privés depuis 47 ans de leur territoire. Marchons ensemble sur le sable.

Lundi 20 février : l'histoire d'un Sahraoui apatride

C’est le départ ! Le rendez-vous est à midi à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle. L’avion décolle à 14h30 pour Alger, puis nous prenons un vol intérieur à 23h55 qui nous conduit à Tindouf. Au total : près de 3 500 km. Près de 50 personnes composent la délégation : des membres des associations Femmes Solidaires, les Amis de Madeleine Delbrêl, des représentants de la CGT, de la JC, des étudiantes, des journalistes, des photographes… Les Ivryens (19 personnes) sont nombreux au sein de ce groupe mais il y a aussi des habitants de Vitry (citoyens et élus), de Paris, Le Mans, Rezé, Rennes, Bordeaux, Toulouse… La délégation est aussi internationale avec des Algériennes, un Allemand, des Suisses alémaniques, des Japonais ! Et un jeune Sahraoui : Abdelbari Mustafa. Né en 1991 dans les camps de réfugiés de Tindouf, il est actuellement étudiant à Sciences-Po Paris. Autour d’un café à l’aéroport, il nous raconte : « Je n’ai pas de passeport, j’ai un titre de voyage pas très courant. Il y est mentionné « apatride » comme nationalité ». Selon le droit international, un apatride est « une personne qu’aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ». Il ne possède la nationalité d’aucun pays.

Ce statut est emblématique de la situation du Sahara occidental. Il nous plonge dans le vif du sujet. Colonie espagnole jusqu’en 1975, le Sahara occidental a été envahi peu après par le Maroc au nord et la Mauritanie au sud, déclenchant une guerre. Aujourd’hui, le royaume marocain contrôle 80% du territoire sahraoui et exploite ses ressources : mines de phosphates, pêche, agriculture. C’est la dernière colonie d’Afrique. L’Organisation des Nations-Unies (ONU) le définit comme un territoire non-autonome. En 1991, après le cessez-le-feu, l’ONU a demandé la tenue d’un référendum d’autodétermination, scrutin refusé par le Maroc qui voudrait que le Sahara occidental devienne une région autonome sous sa souveraineté. 1991, c’est l’année de naissance d’Abdelbari. 

Mardi 21 février : les tentes Sahraouies

Ça y est, nous sommes dans le campement de réfugiés sahraouis d’Aoussert (ou Ausserd), et plus précisément dans la localité (ou daïra) de Mejik. Nous sommes accueillis avec beaucoup de gentillesse par des familles qui ont mis à notre disposition une pièce (où nous dormons à cinq) dans leur khaïma, que l’on traduit littéralement par tente. Pourtant, ces tentes sont aujourd’hui "en dur", ce qui mérite une explication.
En 1976, après l’invasion du Sahara occidental, les nationalistes sahraouis, soutenus par l’Algérie, ont lancé une guérilla afin de libérer leur territoire. Le Maroc a réagi par des bombardements, notamment au napalm, et des arrestations de masse, provoquant l’exode de la population sahraouie. Elle a fui en nombre, souvent à pied, vers la ville de Tindouf, à l’extrême sud-ouest de l’Algérie. Là, les réfugiés sahraouis ont survécu dans des tentes de fortune avant que le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) ne leur en fournisse de plus solides. Par la suite, ils ont construits des abris plus solides, en banko, c’est-à-dire à base de briques de sable et de terre, un matériau de couleur ocre très utilisé en Afrique. Mais en 2005, 2015 et 2016, des pluies diluviennes, pourtant rarissimes, se sont abattus sur ces constructions et les ont fait littéralement fondre. Depuis, quand ils en ont les moyens, les Sahraouis utilisent des parpaings ou des briques, matériaux résistants à la pluie, parfois donnés par le HCR. Toutes ces habitations sommaires, ont continué d’être appelées « khaïmas », c’est-à-dire tentes. Car pour les Sahraouis, cette situation reste temporaire, en attendant de regagner leur terre. C’est aussi une référence à leurs origines nomades. Aujourd’hui, près de 180 00 Sahraouis vivent, toujours réfugiés, dans cinq campements dans cette zone désertique près de Tindouf.

Si vous regardez une carte géographique, vous verrez que les noms des cinq campements reprennent les noms de villes existant dans le Sahara occidental occupé : Laayoune (du nom de la capitale), Auoussert, Smara, Boujdour et Dahkla. Toutes les appellations ont été choisies ainsi en référence et en « résistance » au territoire dont les Sahraouis sont privés. Même si les campements sont situés en Algérie, ce n’est pas le pays accueillant qui en assure la gestion mais le Front Polisario. Créé en 1973, reconnu par l’ONU, cette autorité militaire et politique défend l’indépendance des Sahraouis. Sous sa houlette, et grâce à l’aide internationale, des mairies, des écoles et des dispensaires ont été mis en place, avec très peu de moyens. L’aspirine et la bétadine sont les principaux médicaments à la disposition.

23 février : la délégation d’associations ivryennes est sur place

La délégation municipale qui doit se rendre dans les campements sahraouis est précédée, depuis le 20 février, par une délégation d’associations ivryennes : les amis de la république arabe sahraouie démocratique, Femmes solidaires, les amis de Madeleine Delbrêl…
Il y a aussi des sympathisants et militants de la cause sahraouie de Vitry, du Mans, de Rezé… mais aussi d’Algérie, d’Allemagne, de Suisse et même du Japon ! Une trentaine de personnes en tout.

L’objectif est humanitaire (dons de médicaments, matériels scolaires et serviettes hygiéniques pour les femmes) et de faire connaître la question sahraouie.

L’association des amis de la République sahraouie arabe et démocratique est à l’origine de ce séjour.

25 février : visite de l'hôpital de Mijek

Les élus d'Ivry ont rejoint la délégation, qui visite aujourd'hui l'hôpital de Mijek, suivie par la télévision Sahraouie.

26 février : signature d'un protocole d'amitié avec Mijek

Ce 26 février, le maire Philippe Bouyssou a signé un protocole d’amitié et de coopération avec Mahjouba Anama, la maire (Wali) de la commune de Mijek. Celle-ci est située dans le camp de réfugiés sahraouis d’Aoussert à l’extrême sud de d’Algérie. Un premier volet de ce protocole avait été signé à Ivry en décembre 2022. "Votre présence nous honore, vous êtes maintenant des citoyens sahraouis !" a conclu l’édile sahraouie.

27 février : anniversaire de la République Sahraouie

Ce 27 février était célébré le 47ème anniversaire de la République Arabe Sahraouie Démocratique, en présence de la délégation municipale d’Ivry, de celles de Vitry, de Rezé et des celles venant d'autres pays comme l'Italie, le Portugal…  Plusieurs associations étrangères étaient présentes, notamment celles qui participeront au marathon du Sahara Occidental ce 28 février. Le maire d'Ivry Philippe Bouyssou a prononcé un discours très applaudi, en présence du président et des ministres Sahraouis. 

28 février : participation au marathon du Sahara

Ce 28 février, dans la matinée, plus de 340 coureurs de 27 nationalités différentes ont participé au marathon du Sahara qui se déroule à proximité des campements de réfugiés sahraouis.

Son slogan : « Keep fighting for your freedom, keep fighting against the Wind ! » ce qui signifie : « Continue de te battre pour ta liberté, continue de te battre contre le vent ! ».

Plusieurs membres de la délégation municipale et associative d’Ivry y ont pris part dont l’Ivryen et adjoint au maire délégué aux sports, Alain Buch et le vitriot Warren Kalem, membre du comité de jumelage d’Ivry. Ils ont couru le tronçon de 10 km.

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