2020-01-08-voeux-01.jpg

« Des vœux pour soi, des vœux pour les autres, des vœux pour la planète, pour le pays, des vœux pour Ivry, ville de naissance ou ville d’adoption. En somme, des vœux pour que les choses changent enfin, pour qu’elles évoluent vers le meilleur. » C’est ainsi que le maire Philippe Bouyssou a lancé la soirée des vœux de la municipalité à la population, dans la halle Venise Gosnat ce 8 janvier.  Un discours placé « sous le signe de la combativité, et de la lutte collective pour un monde meilleur ». Les 1200 personnes présentes ont ainsi pu débuter l’année lors d’une soirée partageuse sous l’égide d’« Ivry à votre image »

Intervention de Philippe Bouyssou, maire d'Ivry
Mercredi 8 janvier 2019


Mesdames, Messieurs,
Chers amis,

Nous voici à nouveau ensemble en ce début d’année 2020, et c’est un plaisir particulier pour moi de vous adresser, au nom de la municipalité et de tous les élus présents à mes côtés, tous nos vœux de bonheur, de santé, de réussite dans tous vos projets et dans tous vos engagements.

Des vœux pour soi, des vœux pour les autres, des vœux pour la planète, pour le pays, des vœux pour Ivry, ville de naissance ou ville d’adoption.
En somme, des vœux pour que les choses changent enfin, pour qu’elles évoluent vers le meilleur. N’est-ce pas ce que nous voulons toutes et tous en ce début d’année ? En cela, 2019 nous aura réservé quelques bonnes nouvelles, quelques perspectives d’espoir, ici et ailleurs. 

I - Au Chili, en Algérie, au Liban… et dans bien d’autres pays… des mouvements populaires se sont multipliés et se sont amplifiés. Les manifestants ont bravé tous les dangers pour exiger la démocratie, la justice, l’égalité, la liberté, le respect, et la dignité. 

Ces luttes aux quatre coins du monde, elles résonnent jusqu’à nous, ici, en France, ici, à Ivry, et plus intensément encore depuis quelques semaines. Fin octobre, une professeure de 51 ans, déclarait lors d’une manifestation réunissant plus d’un million de personnes: « La société ne supporte plus de payer, payer. Ils ont pressé le citron et ça devait finir par s’effondrer ». Il aurait pu s’agir d’une professeure ivryenne manifestant entre République et Nation, mais non, il s’agit de Marcela Paz, professeure au Chili, manifestante à Santiago. Oui, les mobilisations passent actuellement par les quatre coins du monde, et de par sa diversité, de par son métissage, Ivry la belle, la rebelle, c’est un peu, à elle seule « les quatre coins du monde ».

L’urgence sociale, l’exigence d’une juste répartition des richesses au niveau mondial est plus que jamais d’actualité. Nous en sommes toutes et tous conscients ici. Mais nous savons aussi que ces exigences sociales sont indissociables des exigences environnementales et climatiques. Nous savons par exemple que l’accumulation des richesses est indissociable de la production des gaz à effet de serre, qui bouleverse le climat et met nos vies en danger. L’économiste Thomas Piketty (une bonne référence… non ?), a mis en évidence que les 1% des plus riches de la planète produisent par leur mode de vie, de consommation, de déplacement, entre 2000 et 3000 fois plus de CO2 que les 10% des plus pauvres.

Impossible d’évoquer ce soir le dérèglement climatique, sans avoir en tête, le véritable drame planétaire qui se joue sous nos yeux en Australie. « Maintenant on pourrait presque enseigner aux enfants dans les écoles comment la planète va mourir, non pas comme une probabilité mais comme l’histoire du futur. On leur dirait qu’on a découvert des feux, des brasiers, des fusions que l’homme avait allumés et qu’il était incapable d’arrêter. Que c’était comme ça, qu’il y avait des sortes d’incendie qu’on ne pouvait plus arrêter du tout. Le capitalisme a fait son choix : plutôt ça que de perdre son règne. »  Cette citation n’est pas de moi… c’est ce que Marguerite Duras écrivait dans le journal le matin, en juin 1986, après un autre drame, celui de Tchernobyl.  

Heureusement, dans le monde, la résistance s’organise pour l’avenir de la planète. Ceux qui exploitent sans limites les ressources de l’Humanité et celles de la planète, ceux qui polluent impunément pour toujours augmenter les profits financiers, ont trouvé leur pire cauchemar. Un regard fixe et déterminé, deux nattes, et un léger accent suédois à la tribune des Nations-Unies… Greta Thunberg, parmi d’autres, mobilise par millions les jeunes et les moins jeunes dans des marches massives pour le climat.

A Ivry aussi, dans une moindre mesure, nous avons pu vivre cet été, notamment, ce que signifie le dérèglement climatique. Souvenons-nous de ces épisodes de canicules qui nous ont durement marqués au mois de juin. Et je remercie ici devant vous les agents des services municipaux de la ville, dont je suis tout simplement très fier, pour leur réactivité, leurs capacités d’adaptation à ce type de situation appelant des dispositifs d’urgence, en été comme en hiver. Merci à elles, merci à eux qui ont cette année encore fait honneur au sens du service public, qui ne nous est jamais aussi précieux, aussi nécessaire que dans les situations de crises et les moments difficiles.

Je les remercie également, ces agents des services publics municipaux, pour la disponibilité et le professionnalisme dont ils ont fait preuve lors de l’incendie dramatique qui a fait deux victimes le 24 novembre dernier au 25 de la rue Westermeyer. Je remercie aussi chaleureusement les habitants du quartier pour leur présence active et solidaire en direction des habitants du bâtiment incendié qui avaient été hébergés dans le Gymnase Jolit-Curie, qui leur ont spontanément proposé de l’aide, qui leur ont apporté soutien, réconfort, qui leur ont préparé des repas. Ce drame de la précarité survenu rue Westermeyer nous rappelle toutes les victimes de la précarité et de la misère, je pense aux 612 SDF morts l’an dernier en France, ou aux 1300 migrants noyés en tentant de traverser la Méditerranée. 

A Ivry, l’esprit d’assistance, d’entraide, de solidarité, dans les moments les plus difficiles, reste toujours aussi prégnant. Oui, soyons fiers de cette si belle ville, où chacune et chacun se sent concerné par le sort de l’autre. Et je pense ici, avec émotion, à la marche silencieuse qui a rassemblé plusieurs centaines de personnes, un triste soir d’octobre, à la mémoire de la jeune Fadela. Ces moments, dont nous avons partagé la douleur, nous donnent aussi à voir un véritable front du refus contre les violences physiques ou psychologiques faites aux femmes, contre toutes les formes de domination patriarcale, avec lesquelles il faut en finir ! 2020 doit être l’année où la parole des femmes continue de se libérer, après des décennies, des siècles de domination sexiste.

II - 2020 doit être l’année de toutes les émancipations, des luttes contre toutes les formes de dominations, d’exploitation ! Et peut-être sommes-nous à un tournant historique et victorieux pour ces batailles, ces luttes dont personnes ne s’étonnera ici que je les qualifie, et avec d’autres, de « lutte des classes »… Comment ne pas y songer quand les inégalités économiques, les écarts de richesses atteignent de tels niveaux en France, et repoussent toujours plus loin les limites de l’indécence ?

Dans les mouvements sociaux contre la réforme des retraites, nous marchons ensemble, retraités et lycéens, cheminots et étoiles de l’opéra, pompiers et professeurs, travailleurs du public ou du privé, élus, syndiqués ou non-syndiqués… Depuis combien de temps n’avions-nous pas observé une aussi belle diversité dans l’unité du Front social ? N’est-ce pas là pour nous, déjà, une première victoire dans la guerre économique des riches contre les pauvres ?
Voici les paroles d’une autre gréviste, celles de la philosophe Simone Weil qui rapporte ce qu’elle a vécu au cœur du Front populaire, en 1936 : « Il s’agit, après avoir toujours plié, tout subi, tout encaissé en silence, d’oser enfin se redresser. Se tenir debout. Prendre la parole à son tour. Cette grève est en elle-même une joie. ». Voici un bel écho à ce que nous vivons en ce moment-même dans notre pays et dans notre ville. Et j’en profite pour saluer les syndicalistes présents dans la salle pour recueillir notre soutien, et notre solidarité financière pour la caisse de grève… Merci à elles et eux.  

L’alternative portée aujourd’hui par le mouvement social constitue un « non » ferme et définitif à tous ceux qui prétendent remettre en cause nos droits sociaux, qui nous ont été transmis de haute lutte. Et que l’on cesse de nous dire que les moyens financiers n’existent pas… Le journal Le Monde titrait le 31 décembre que 2019 était une « Année record pour les marchés financiers ». L’indice du CAC 40 a bondi en un an de 28% ! Le patron Français Bernard Arnault a vu cette année sa fortune atteindre les 100 milliards d’euros, devant Bill Gates, patron de Microsoft et Jeff Bezos, patron d’Amazon. La France compte aujourd’hui 40 milliardaires, et leur situation s’est nettement améliorée depuis l’élection du président de la République, pour qui l’urgence était de supprimer l’impôt sur la fortune. Dans le même temps, notre pays, 6e puissance économique mondiale, compte près de 10 millions de personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté.

Ce constat s’aggrave chaque année et n’en finira pas de s’aggraver avec la réforme de l’assurance chômage : avec ce nouveau mode de calcul entré en vigueur le 1er novembre dernier, quatre allocataires sur dix seront perdants, soit 1,2 million de chômeurs.

Alors quand certains déclarent ainsi la guerre aux pauvres, soyons unis pour leur répondre ensemble, d’une même voix, qu’il faut au contraire déclarer la guerre à la pauvreté ! Et cette guerre contre la pauvreté, il faut la mener maintenant, en urgence, et à coup de milliards d’euros !

III - Cette unité fait notre force. Elle se construit dans un esprit de respect et de solidarité, à tous les échelons de la société.

Ici, à Ivry, nous savons depuis longtemps la valeur de l’action collective et de la solidarité. Nos politiques municipales ont depuis toujours été menées dans un souci d’entraide, en favorisant l’accès de toutes et tous au logement, aux loisirs éducatifs, aux vacances, à la culture, au sport, à la santé... 

Ivry est belle de cette tradition qui donne à chacun droit de cité, quels que soient ses origines, ses moyens, ses opinions, sa religion. Nous continuerons à nous battre contre tout ce qui morcelle, divise, oppose, que ce soient entre nouveaux et anciens, actifs et chômeurs, ou encore les quartiers entre eux. Nous refusons, et refuserons toujours cela à Ivry, où l’on se bat au contraire pour unir, relier, et se respecter, dans la diversité ! C’est comme cela que nous avançons et que nous construisons ensemble… et oui, il y aura prochainement une Mosquée à Ivry, tout comme il y aura une Maison Madeleine Delbrêl, figure catholique ivryenne en voie de  béatification ! En un mot, il nous faut mettre en avant tout ce que nous avons en commun, et nous enrichir mutuellement de nos différences ! 

Pour conclure ce discours de vœux placés sous le signe de la combativité, et de la lutte collective pour un monde meilleur, je souhaitais peut-être vous surprendre, et apporter à notre soirée, quelques notes de douceur, un soupçon de tendresse, un peu de rêve, car ce sont aussi des choses qui nous font progresser ensemble. On évoque souvent un « Grenelle » pour désigner l’issue d’un conflit social, d’un conflit politique… Alors imaginons ensemble quelle serait la plus belle des issues à tous les conflits, à toutes les oppositions, à toutes les fractures qui nous divisent… Imaginons ensemble, allez, un… « Grenelle de l’amour », rêvons de négociations pour l’amitié, la solidarité, la fraternité, la paix, l’humanité retrouvée et partagée… Et comme nous avons pris l’habitude de rendre hommage aux artistes disparus dans l’année, et après avoir conclu l’an dernier sur le tonitruant « Résiste ! » de France Gall, je voudrais cette année terminer sur ces quelques phrases  de Marie Laforêt, (en espérant que personne n’y voie le moindre double sens politique) :

« Nous les referons ensemble 
Demain les vendanges de l'amour
Car la vie toujours rassemble, oui la vie toujours rassemble
Malgré tout, ceux qui se quittent un jour
Et le soleil du bel âge brillera après l'orage
Un beau matin pour sécher nos pleurs
Et ta main comme une chaîne viendra se fondre à la mienne
Enfin pour le pire et le meilleur
»

Meilleurs vœux à toutes et tous pour l’année 2020 !

Retour en haut de page