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Nadège Prugnard signe une pièce de théâtre musical aux accents surréalistes. © Jean-Pierre Estournet

« Je n’ai jamais parlé de mes origines portugaises. Parce qu’au collège, au lycée, mes copines qui s’appelaient De Brito ou Da Costa étaient insultées.C’était la période Linda de Souza et la valise en carton… » Ce qui a réconcilié Nadège Prugnard, auteure, comédienne et metteure en scène, avec ses racines, ce sont deux années d’errance dans la jungle de Calais à l’issue desquelles elle écrit No border, un texte sur les migrants. « Là, j’ai immédiatement repensé à ce grand-père maternel portugais arrivé en France en 1926, au moment de la prise de pouvoir du dictateur Salazar, confie la jeune quadragénaire, à la tête de la compagnie Magma Performing Théâtre depuis 1999. Un grand-père dont je ne connaissais rien, qui n’a jamais rien voulu nous dire et qui a fait toute sa vie ici. J’ai voulu tenter de recoudre cette part manquante là de mon histoire, ce silence sur ce qui s’était passé au Portugal dans les années qui ont suivi, jusqu’aux grands mouvements migratoires portugais des années 50-60. »

Odyssée poétique

En tant qu’artiste associée du Centre dramatique national de Montluçon, ville jumelée avec Guimarães, Nadège Prugnard a été accueillie par cette commune située au nord du Portugal. À partir de récoltes de paroles, elle a composé Fado dans les veines, un poème parlé-chanté, musicalisé en un fado coloré de jazz, de rock et de chant lyrique « pour faire entrer toutes ces voix du passé et d’aujourd’hui dans un chant commun ».

« Le fado, c’est le chant des larmes, de l’exil. C’était, au départ, des putes qui chantaient cela aux marins qui partaient en mer. C’était un peu un chant des sirènes. Et puis cela s’est transformé avec Afonso et sa chanson Grândola, vila morena qui passait sur toutes les radios portugaises le 25 avril 1974, jour de la révolution des Œillets. »

Entourée sur scène de trois chanteuses-comédiennes et de trois musiciens, Nadine Prugnard invite à une odyssée poétique et puissante, parfois critique, qui va à la rencontre du Portugal, du déracinement, de l’immigration... « Les communautés portugaises sont un peu invisibles, elles se sont complètement fondues dans la masse. Les anciens ne parlaient pas. C’était un silence culturel lié à la dictature. C’était aussi un désir d’intégration : ne pas faire de bruit pour ne pas se faire remarquer, et travailler. »

Sylvie Moisy

Fado dans les veines, le 23 octobre à 20h. Théâtre Antoine Vitez, 1 rue Simon Dereure. 01 46 70 21 55.

RDV dés 18h au bar du théâtre pour une discussion avec l'asso Alegres Do Norte qui offrira un éclairage sur les transmissions culturelles sur l'exil portugais en France et à Ivry !

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